mardi 28 mai 2013

Le peuple est toujours décevant

COMMUNIQUÉ du Printemps Français : Paris, 26 mai, sur l’esplanade des Invalides, 19h02
D
onc, Manolito, Jeannot-le-Nantais et Barjotine avaient prévenu les Français : des hordes sanguinaires, dopées au nationalisme le plus concentré et à l’homophobie la plus pure allaient déferler sur Paris, ravageant tout sur leur passage.
N’écoutant que leur courage, les forces de l’ordre s’étaient massivement portées au secours des braves manifestants inconscients – ceux en tout cas qui n’avaient pas voulu entendre les douces voix de la raison qui les incitaient à abandonner un combat inutile, car la loi c’est la loi et la loi on ne discute pas – et ne venez pas me parler du CPE, ce n’était pas la même chose...¢


VALLS, DISPENSATEUR DE GRÂCES

Oui, malgré les appels désespérés du bénin Manolito, inquiet comme un père de famille voyant ses jeunes enfants souriants s’approcher de dangereux dealers pour leur proposer de l’orangeade, des manifestants s’étaient déplacés. Folie ? Bravitude ? Geste désespéré bien propre à cette extrême-droite qui sommeille en chaque Français ? On ne sait. Manolito avait au moins essayé de limiter les dégâts et avaient demandé aux petits-enfants de rester chez eux, si possible avec leur mère, et leurs grands parents, tous ceux dont les os fragiles et les chairs tendres risquaient de pâtir des poussées brutales des nervis d’extrême-droite surentrainés au close-combat, armés jusqu’aux dents et enivrés par l’appât du chaos. Dans leurs fols assauts contre les courageuses forces de l’ordre, ils allaient tout piétiner et immoler d’innocentes victimes à leurs injuste cause – les corps allaient joncher le pavé froid et mal défendu de Paris (et Bertrand serait encore obligé, malgré sa peine, d’envoyer la facture pour le nettoyage).

Une petite partie de la manifestation

VALLS, MARTYR DE LA DÉMOCRATIE

Torturé par un cas de conscience comme n’en connaissent que les vrais démocrates socialistes, Manolito avait émis l’hypothèse d’interdire le Printemps français, quelques souffrances que sa conscience démocratique dût en éprouver : il était prêt à faire don de son honneur à la France, comme Barjotine avait fait don de sa personne à la cause, et comme d’autres illustres devanciers qui eux aussi s’étaient prêtés à l’infamie pour venir en aide aux plus faibles et faire rempart de leur corps (enfin, pas Barjot, qui était à la télé mais qui était aussi avec nous, car quand on se réunit elle est au milieu de nous, si j’ai bien compris) et de leur réputation (enfin, pas Manolito parce que depuis le PSG elle est un peu en miettes, sa réputation, mais c’est presque plus beau encore que d’en vouloir sacrifier les derniers débris).

VALLS, BERGER SUPRÊME

Bref, des tréfonds puants de la France moisie les vieux démons allaient surgir et emporter dans leur chute haineuse tous les malheureux fourvoyés dans l’homophobie de ceux qui luttent contre la loi Taubira. Sur les Champs Élysées, les courageuses forces de l’ordre s’étaient massées en attendant les débordements, les échauffourées, la ruée sauvage, l’émeute – en un mot, la bousculade, comme au Trocadéro ; forces de l’ordre bottées, casquées, armées, aérosolées, caparaçonnées et attendant, devant HSBC et Hugo Boss, que les barbares se répandent sur l’avenue avant de prendre l’Élysée d’assaut. Oui, pénétrées de l’importance de leur mission, les courageuses forces de l’ordre gardaient les banques et les marchands de fripes. Cependant que le long du parcours le service d’ordre de La Manif Pour Tous et les agents de sécurité privée patrouillaient, certains tenant des chiens en laisse, ce qui ajoutait une note dramatique bienvenue, dans le genre gendarmes à l’ancienne, et les manifestants devaient se sentir bien honorés d’avoir de tels bergers.

VALLS, GARDIEN DES MOTS QUI SAUVENT

A l’heure où je vous parle, sous un soleil inattendu et bienvenu, les foules nombreuses ont défilé et se prélassent sur les pelouses de part et d’autre des Invalides. Quant aux affreux nervis d’extrême droite ? Rien. Les Veilleurs récitent des poèmes et six gamins ont déployé une banderole au fronton du PS. Le peuple est décevant…. Harlem Désir, qui avait appris par cœur les courageux éléments de langage que Manolito avait rédigé en copiant sur Barjotine, a parlé d’attaque, de danger pour la démocratie, de groupuscules fascisants, de crépuscule des dieux et d’apocalypse imminente – parce que quand c’est grave il faut faire bon poids et bonne mesure de peur que les gens ne comprennent pas. Un quartier est pillé par des casseurs, les policiers arrêtent arbitrairement des citoyens pour simple port de T-shirt LMPT, un militaire se fait poignarder à La Défense, mais ne nous cachons pas derrière ces trop évidents faits divers et ces critiques trop faciles contre les courageuses forces de l’ordre, voyons la forêt derrière ces arbres un peu encombrants : la démocratie sombre, la République souffre car le siège du PS a été « attaqué ».

VALLS, REMPART DE CERTITUDES

Laissons aux techniciens le soin de régler ces broutilles que sont les banlieues, la montée d’un islamisme radical dont on se refuse à inquiéter les représentants et l’instrumentalisation des forces de l’ordre par un parti politique qui a perdu toute légitimité populaire, et concentrons-nous, hommes politiques responsables et femme engagée qui sait que la LMPT a fait son temps, sur le vrai danger et le seul problème : le Printemps français et ses affreux militants fous, qui ont en plus poussé leur fourberie jusqu’à ne rien faire. À ce point pervers qu’ils ont défilé joyeusement, sans rien casser, sans brutaliser quiconque, et sans même s’émouvoir de l’absence de Barjotine, muette victime immolée en silence sur l'autel de la responsabilité démocratique (enfin, victime immolée sinon muette) (en tout cas victime bien vivante, mais c’est un genre, elle est comme ça, elle fait bouger les lignes, elle est à la fois martyre et bien portante, qu’on s’en accommode).
Bref, Manolito a dit n’importe quoi, une fois de plus. Il a agité l’épouvantail du fascisme, une fois de plus, tout en en pratiquant les méthodes peu ragoutantes de l’amalgame, de l’interdiction, de la menace et de la peur. Tout à l’heure, les forces de l’ordre empêcheront les Veilleurs de réfléchir et d’espérer, et les médias parleront de « débordements ». Non, nous ne sommes pas violents, nous l’avons dit et nous le montrons. Valls n’apporte pas la paix, il espère la guerre. Nous ne la lui avons pas offerte, mais le combat continue, le combat des esprits, porté par nos actions non-violentes.


E Post-scriptum 1. Heureusement, les premiers chiffres tombent : nous n’étions que 160 000, ce qui est très crédible puisqu’il n’y avait que six policiers pour contrôler les trois cortèges – et les fameuses caméras, qui ont dû produire des enregistrements très fiables, d’ailleurs immédiatement exploités par la Préfecture, dont nous saluons le professionnalisme (et au fait, on en est où de la plainte qui devait être déposée suite au reportage prouvant le bidonnage ?).

E Post-scriptum 2, 19h31. Jusqu’à la dispersion, pas un seul incident mais près de cent interpellations et des gardes-à-vues – alors qu’aucune Femen agissant à Notre-Dame ni aucun salafiste ayant manifesté à l’Assemblée n’ont été inquiétés… De quoi bien énerver les manifestants, qui ont fait preuve d’une détermination pacifique admirable.

E Post-scriptum 3, 21h17. Après la dispersion, certains manifestants restent et assistent, étonnés et impuissants, aux échauffourées, sous l’œil vigilant des courageuses forces de l’ordre qui n’interviennent pas encore et espèrent sans doute que les perturbateurs (forcément d’extrême-droite, selon les médias [même si Fabien Vanhemelryck, du syndicat Alliance, se montre prudent sur BFM TV] de même que les casseurs du Trocadéro étaient forcément des ultras) vont justifier leurs craintes, pour éviter d’avoir l’air de parfaits incompétents.¢

On ne lâche rien!
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La décadence

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