« Ça ne marchera
pas » disait Philippe Séguin à qui s’étonnait qu’il n’adhérât jamais à
l’UMP.
Pour
lui, comme pour beaucoup d’"anciens" du RPR (dont l’auteur de ces
lignes), le mécano construit en 2002 pour réunir divers mouvements centristes,
et les agréger au parti censé faire survivre le gaullisme, n’était pas viable
pour plusieurs raisons : d’abord il lui paraissait impossible de faire
cohabiter dans un même parti des "sensibilités" opposées sur
l’essentiel (primat de la Nation, périmètre de l’État, politique étrangère, etc.),
ni par conséquent de donner au "grand parti" un véritable programme,
ni même d’y mener ne serait-ce qu’un embryon de travail intellectuel...
Ensuite,
cette fusion ne pouvait qu’accoucher d’un vaste centre qui, absorbant centre
droit et centre gauche, s’interdisait ipso facto tout partenaire au second
tour. Il ne fut donc guère étonnant que cette « machine à gagner »,
si elle remporta les présidentielles et législatives de mai et juin 2007 grâce
au double, triple ou quadruple langage que parvint à tenir le sémillant Sarkozy
(avec les heureux résultats que l’on vit) finisse par perdre toutes les
élections qui suivirent, y compris le Sénat, tour de force dans un pays qui, le
premier tour d’avril dernier l’a encore montré, est à 55% à droite. Panne
intellectuelle, anémie programmatique, absence de réserve au second tour :
ces vices ne pouvaient de toutes façons que transformer la "machine à
gagner " en cette triste "Machine à Perdre" qui se disloque sous
nos yeux.
On
voit que l’affaire dépasse de beaucoup la querelle de personnes, d’autant que,
aux vices apparents s’ajouta peu à peu un vice caché : tout partenaire
immédiat ayant disparu, il ne restait plus que le FN. La succession des
défaites fit lentement germer dans l’esprit de nombre de militants et élus UMP
une idée que la rénovation de Marine Le Pen, les 18% qu’elle obtint en avril et
la coalition autour d’elle de nouveaux venus (du MPF de Philippe de Villiers,
du DLR de Nicolas Dupond Aignan, et de premiers transfuges UMP) ne cessèrent de
conforter.
Dès
le début de l’été, on se mit à murmurer que l’Élysée comme les Assemblées
(nationales, régionales ou locales) n’auraient pas été perdues si, sortant du
vieux "piège de Mitterrand", la droite avait su comme la gauche
s’afficher "plurielle", qu’il n’y avait nulle majorité possible sans
l’union de toutes les droites, etc. Or, celle-ci est insupportable aux ténors
de l’état-major -les uns sincèrement, les autres pour la galerie, la plupart
craignant par pure mondanité médiatique de manier des thèmes (sécurité, respect
des frontières et autres percées dites droitières) dont ils savent bien que,
une fois parti un Sarkozy qui savait ne les manier qu’avec leurs contraires,
ils ne pouvaient pas ne pas les rapprocher très près de Marine Le Pen.
L’opposition
entre le sommet et la base couvait sous les artifices de M. Sarkozy et la
totale absence de démocratie dans le parti. Patatras !, l’élection du
Président offrit la dangereuse occasion de la mettre au grand jour : la
performance d’un Copé qui, un pain au chocolat entre les dents, surfa en
subliminal sur la vague unioniste (tout en niant à Paris qu’il le faisait, mais
nul n’était dupe), le succès des motions les plus droitières, le faible écart
des voix, et l’âpreté du conflit qui suivit (aisément explicable par l’énormité
de l’enjeu, la disposition de la manne publique et surtout l’esquisse d’un tout
nouveau paysage politique) ont brutalement révélé le pot aux roses : la
« droite décomplexée » est en réalité complexée par Marine Le Pen.
PAYSAGE
APRÈS LA PLUIE
La
suite est aisée à prévoir : les "porosités" entre FN et UMP, que
pointent déjà plusieurs signes (tel l’afflux d’ ex-UMP au FN et au SIEL), se
multiplient au point que la partie de la forteresse restée aux mains de
M. Copé n’a pas d’autre perspective que de s’installer sur le terrain de
Mme le Pen et d’expérimenter tôt ou tard des alliances avec ce
"RBM" (Rassemblement Bleu Marine) qu’elle met simultanément en place
-la chose est même devenue irréversible quand M. Fillon créa son groupe
parlementaire.
Reste
une question : le RBM saura-t-il nouer, avec ce morceau droitier de l’UMP
qui pourrait être après tout un concurrent, une alliance assez solide pour
fixer ce "pôle national et populaire à vocation majoritaire"
(d’autant majoritaire qu’il pourrait aussi capter un électorat populaire de
gauche déçu par l’actuel gouvernement) qu’appelle de ses voeux Marine Le Pen –
et tant de Français ? La pièce a beaucoup de spectateurs ; il
faudrait qu’elle ait aussi beaucoup d’acteurs…
Paul-Marie Coûteaux
Président de Souveraineté, Indépendance
et Libertés - S.I.E.L.
Administrateur du Rassemblement Bleu
Marine – RBM
(posté
par Marino)