lundi 5 novembre 2012

Le Nobel à l’UE : dynamite ou pétard mouillé ? par Christian Vanneste


Le défilé des politiciens, technocrates et eurocrates venant dire avec une voix tremblante d’émotion l’honneur ressenti avait une dimension tragicomique : d’abord par le caractère convenu des paroles politiquement correctes, ensuite par l’absence de tout lien entre leur action et la fameuse récompense, enfin par le contraste entre celle-ci et la révolte qui se dessine chez les peuples du sud contre la crise actuelle de l’économie européenne face à laquelle les « responsables » et coupables, d’ailleurs, semblent totalement impuissants.

On peut évidemment prêter aux « Pères de l’Europe » la volonté de construire la paix dans un continent dévasté par deux guerres mondiales dont il avait été le centre et à l’issue desquelles il cessait d’être le pivot de la planète. Mais la paix s’est bâtie sur des fondements objectifs et sur des volontés étrangères à l’Europe plus que sur les nobles intentions des fondateurs. Qui plus est, les actes les moins pacifiques ont peut-être été les plus importants. Ensuite, la construction de l’Europe est en grande partie une trahison plurielle envers l’esprit qui dominait le projet à son origine.

Le  prix Nobel de la Paix est distinct des autres. Il est remis à Oslo quand les autres le sont à Stockholm. Son lauréat est choisi par un comité désigné par le Parlement norvégien, alors que les « Nobel » suédois sont sélectionnés par des spécialistes des disciplines concernées.

Cela justifie que les Français puissent ressentir une légitime fierté à l’annonce de la récompense de Serge Haroche qui reçoit ainsi qu’un chercheur américain, le prix Nobel de physique 2012. C’est un exemple de la qualité de la recherche française en physique, qui bénéficie d’une longue et forte tradition, et se trouve à la pointe dans plusieurs domaines, et au sein d’équipements performants comme ceux de Saclay, de Cadarache ou du Cern. Il faudrait mettre davantage en valeur ce succès pour inciter les jeunes Français à se tourner vers la science, et pousser ceux qui  sont doués pour les mathématiques à préférer le laboratoire au marché boursier. Ce prix décerné par un comité issu de l’Académie Royale des Sciences de Suède, conseillé par des scientifiques jouissant d’une autorité mondialement reconnue, est une marque de reconnaissance objective auprès de laquelle le « Nobel » de la paix fait pâle figure. Il s’agit d’un trophée politique dont le bénéficiaire est choisi par un comité désigné par le Parlement norvégien qui, certes, ne nomme plus de parlementaires, mais qui doit quand même effectuer un choix en fonction des forces qui le constituent. C’est ainsi que le Président de ce comité n’est autre que Thorbjörn Jagland, vieux professionnel de la politique et homme d’appareil du parti travailliste, ancien Premier ministre, ancien Président du Parlement et actuellement Secrétaire général du Conseil de l’Europe. Que ce rival malheureux du Premier ministre actuel ait envie de se faire remarquer, que l’un des piliers du Conseil de l’Europe, chaud partisan de l’entrée de la Turquie, déjà membre du Conseil,  dans l’Union européenne alors qu’il n’a jamais persuadé ses riches compatriotes assis sur leurs réserves d’hydrocarbures de le faire, ait voulu adresser un message politique, personne n’en doute. Il en est d’ailleurs à son troisième coup : on ne lui reprochera pas le choix d’un dissident chinois encore que celui-ci fasse un intéressant contraste avec les courbettes des désormais pacifiques dirigeants européens devant les dictateurs de l’Empire du Milieu qui sans s’émouvoir maintiennent en prison le lauréat Liu Xiabao.

En revanche, la désignation d’Obama l’année précédente revêtait un caractère politique planétaire, le coup de chapeau de la gauche internationale à l’un des leurs avant qu’il ait fait quoi que ce soit, sauf de refermer l’ère de l’horrible Bush.

Le « gendarme de la planète » continue à régler ses comptes à coups de drones, de services spéciaux ou à travers ses alliés, en Libye, en Syrie, au Pakistan, en Irak, et très directement en Afghanistan, et si on peut tout à fait en comprendre les raisons, le Nobel de la Paix à Obama prend la forme d’une usurpation ou d’un gag. Cette année, pas de doute, la deuxième option est la bonne : avec l’Union européenne, le Comité Norvégien, qui en 1973, avait déjà fait très fort en désignant Lê Duc Tho, juste avant que son pays n’envahisse le Sud Vietnam, prend le risque de faire du « Nobel » norvégien ce que le Razzie Awards est aux « Oscar ». Le défilé des politiciens, technocrates et eurocrates venant dire avec une voix tremblante d’émotion l’honneur ressenti avait une dimension tragicomique : d’abord par le caractère convenu des paroles politiquement correctes, ensuite par l’absence de tout lien entre leur action et la fameuse récompense, enfin par le contraste entre celle-ci et la révolte qui se dessine chez les peuples du sud contre la crise actuelle de l’économie européenne face à laquelle les « responsables » et coupables, d’ailleurs, semblent totalement impuissants. Que le prix soit décerné par des politiciens d’un pays riche du nord qui ne daigne même pas entrer dans l’Union peut même prendre l’allure d’une provocation. Ce prix est doublement immérité :  d’abord, on peut évidemment prêter aux « Pères de l’Europe » la volonté de construire la paix dans un continent dévasté par deux guerres mondiales dont il avait été le centre et à l’issue desquelles il cessait d’être le pivot de la planète. Mais la paix s’est bâtie sur des fondements objectifs et sur des volontés étrangères à l’Europe plus que sur les nobles intentions des fondateurs. Qui plus est, les actes les moins pacifiques ont peut-être été les plus importants. Ensuite, la construction de l’Europe est en grande partie une trahison plurielle envers l’esprit qui dominait le projet à son origine.

« Le Comité Norvégien, en 1973, avait déjà fait très fort en désignant Lê Duc Tho, juste avant que son pays n’envahisse le Sud Vietnam… »

Parmi les cinq Pères figuraient trois hommes spirituellement proches : trois catholiques fidèles au message de l’Église, trois démocrates-chrétiens, trois hommes nés Allemand ou Autrichien, mais attachés à leur petite patrie régionale et frontalière, l’Italien du Trentin De Gasperi, le Français de Lorraine mosellane Schuman et l’Allemand rhénan, un moment tenté par le séparatisme, Adenauer. Il y avait aussi un belge Paul-Henri Spaak, à la fois politiquement socialiste et philosophiquement libéral, et dans ce pays, cela signifie libre-penseur, qui montra paradoxalement sa proximité avec l’atlantisme, le  monde économique et s’engagea dans la défense de la petite patrie qui était la sienne : Bruxelles francophone. Tous les quatre ont exercé, un temps parfois long et essentiel, les plus hautes responsabilités politiques de leur pays. Le cinquième est très différent : Jean Monnet venait du monde des affaires et n’a jamais été élu. Toute sa vie semble avoir été parcourue par la volonté suspecte d’en finir avec les États-Nations, si contraires aux allées et venues des intérêts économiques, notamment de part et d’autre de l’Atlantique : de la fusion France-Royaume-Uni en 1940 à l’Europe fédérale, Monnet a voulu tisser petit à petit une Europe de l’économie et des projets, sûr que ces petits pas feraient oublier, le moment venu, que le grand pas de la disparition des États s’était accompli dans l’indifférence. Toute sa vie a consisté à préférer les coulisses à la scène et à négliger les peuples, ce qui est, quand même, bien regrettable pour un projet démocratique. Son jugement détestable envers De Gaulle, dont il a dit que c’était « un ennemi du peuple français et de ses libertés… qu’il fallait détruire » devrait le disqualifier définitivement. De Gaulle et Adenauer ont fait plus pour la paix en Europe que Monnet. La force de dissuasion française et le réarmement allemand face à la menace soviétique ont joué un rôle plus grand dans le maintien de la paix que la lente élaboration économique de l’Europe dont le résultat a été indirect en raison de la différence de niveau de vie qu’elle a contribué à instaurer de part et d’autre du rideau de fer. En revanche, la dérive technocratique, le cumul insensé de l’approfondissement et de l’élargissement, la multiplication coûteuse d’instances et de postes inefficaces soulignent l’éloignement par rapport à l’idéal démocrate-chrétien qui dominait chez les pères politiques de l’Europe à l’origine. On imagine Madame Ashton recevoir le prix à Oslo ? Après Obama, pourquoi pas ? Mais il était connu et venait d’arriver. Elle est là depuis un bon moment et on ne sait toujours pas à quoi elle sert.

La paix en Europe a été érigée sur les décombres d’une puissance perdue, marquée pour certains pays, et particulièrement le nôtre par les conflits liés à l’écroulement des empires, maintenue par le parapluie économique et militaire des États-Unis, et enfin consacrée par l’effondrement soviétique auquel ont contribué essentiellement, un Président des États-Unis, Ronald Reagan et sa guerre des étoiles, et un Pape polonais qui a prouvé que la foi vivante valait plus que les divisions blindées.

La paix de l’Europe, c’est celle des Grecs après les guerres du Péloponnèse lorsque Sparte-l’Allemagne, Athènes-l’Angleterre, Thèbes-la France, exsangues acceptent la paix des Empires qui les entourent. Ceux qui criaient à gauche « plutôt rouges que morts » voulaient aussi la paix. Quant au conflit européen de l’ex-Yougoslavie, sa solution, avec la création artificielle de pays improbables comme la Bosnie ou le Kossovo doit tout à la volonté des États-Unis et de leurs alliés paradoxaux contre la Russie et rien aux pays européens, sauf les sacrifices de leurs soldats dans une guerre où les vieux intérêts nationaux l’ont parfois emporté, comme lors de l’aide de l’Allemagne à la Croatie.

Beaucoup d’Européens doivent ressentir cette récompense comme une marque d’autosatisfaction des politiques et d’indifférence à leurs problèmes. L’Europe est en guerre, en guerre économique, et nombre de leurs dirigeants pétris d’esprit mondialiste et d’intérêts électoraux n’ont pas pris les moyens de la gagner. Où sont les rodomontades de la stratégie de Lisbonne ? La majorité des prix sérieux revient à des américains et à des asiatiques. Alfred Nobel avait, parait-il, créé le prix de la paix pour se faire pardonner l’invention de la dynamite. Celui de cette année pourrait être un bâton de dynamite jeté dans les jambes des manifestants d’Athènes ou de Madrid, ce ne sera qu’un pétard mouillé.

*Christian Vanneste est ancien député UMP du Nord.
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La décadence

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